Il est bien évident, pour ma part, que l’objectif de prévention des RPS devrait prioritairement être d’améliorer la santé des salariés, toutefois il serait naïf de penser que cela puisse se faire autrement que sous forme d’un investissement (a fortiori à l’heure d’une crise économique telle que nous connaissons en ce moment). Avant d’évaluer s’il y a un retour possible sur investissement, il convient de rappeler combien coûtent les RPS pour l’entreprise (et pour la société en général).
Combien coûtent les RPS ?
Le Bureau international du travail (BIT) évalue le coût économique du stress à 3 ou 4 % du PIB des pays industrialisés (en arrêts maladie, médicaments, perte de productivité, décès prématurés…), soit, pour la France, «quelques 60 milliards d’euros». Si certains coûts apparaissent comme évidents (l’absentéisme, les coûts liés à la santé,…) d’autres sont plus occultes (présentéisme, diminution de l’attractivité de l’entreprise, sabotage…). Selon l’Inrs, on serait ainsi sans doute face à un iceberg avec des coûts cachés bien supérieurs aux coûts directs.
De façon générale, le présentéisme atteindrait 61% des coûts totaux relatifs à la santé dans une entreprise, suivi par les frais médicaux (28 %) et l’absentéisme (10 %). Le stress coûte à l’entreprise 4000 € par an et par salarié … soit 1 million d’euros liés à la perte de productivité pour une entreprise de 250 salariés ! (étude du Dr Put, chercheur à l’Université catholique de Louvain; ANDRH 2011).
Une autre étude confirme ces coûts élevés en évaluant les RPS sous l’angle des conflits. Rappelons que l’existence de conflits implique des conséquences négatives directes comme l’absentéisme, la maladie, le turn-over mais également du temps « perdu ». Ainsi, un rapport de recherche mené par OPP en 2008 a établi qu’en moyenne chaque salarié passe environ 2 heures chaque semaine, soit environ un jour par mois, à gérer des conflits (que ce soit en étant impliqué dans un conflit ou en gérant un conflit entre deux collègues,..). A vos calculettes : 2 heures perdues par semaine, c’est un équivalent annuel de près de 1 million d’euros pour une entreprise de 500 personnes uniquement en temps perdu.
En plus des coûts que l’on peut évaluer, stress et conflits vont entrainer des coûts indirects difficilement chiffrables :
- Démotivation et fuite des talents
- Qualité des décisions (avec risque de dégradation de la qualité)
- Dégradation du climat et de l’image de l’entreprise
- Risque de sabotage
Ce qui suit n’engage que moi, mais je n’ai pu m’empêcher de me demander cette semaine si le problème survenu dans le laboratoire Teva ne relevait pas d’un acte de sabotage ; quand on connait l’organisation d’une chaîne de production dans une usine pharmaceutique, il est difficile de concevoir qu’un somnifère puisse se retrouver dans des plaquettes d’antidiurétiques…. Si tel est vraiment le cas, je vous laisse imaginer les conséquences d’un tel acte : perte humaine (au moins un mort à ce jour), chute des ventes déjà amorcée pour le laboratoire, souffrance des salariés, image ternie (et de façon plus générale impact sur l’image des génériques alors que le gouvernement investit depuis 15 ans dans cette politique….)….on serait alors largement au-delà des coûts cités précédemment…
La prévention peut elle être un investissement ?
Une étude de l’association internationale de Sécurité Sociale (AISS), publiée en septembre 2011, démontre que le ratio coût-bénéfices des investissements dans la prévention sur la sécurité et la santé au travail atteint 2,2 : « Les investissements les plus rentables sont ceux liés aux examens médicaux, avec un ratio coût-bénéfices de 7,6. Pour ceux destinés au financement de formations sur la prévention, le ratio est de 4,4 »
Un article de 2004 (SFP, Travail et Concertation sociale) a évalué que les entreprises prenant en charge le bien-être de leurs travailleurs obtenaient une réduction de 0,5 à 5 jours d’absence par salarié et par an, ainsi qu’une diminution du nombre de démissions évalué à une économie salariale de 2,2%.
Investir dans la formation
- Formations en gestion des conflits
73% des salariés français déclarent ne jamais avoir reçu de formation de gestion des conflits (taux le plus faible observé, tous pays de l’étude OPP confondus). Or, ce type de formation permettrait de gérer plus efficacement les conflits, donc d’y passer moins de temps (et d’énergie).
- Formation de gestion du stress
Les compagnies d’assurances canadiennes ont publié une étude montrant qu’un programme de gestion du stress pour les salariés avaient permis un gain de 3% au niveau de la productivité et une diminution de 22% de l’absentéisme. General Motors confirme ce type de résultat avec une diminution de 60% au niveau des indemnisations pour maladie et de 40% au niveau du temps perdu.
Mais rappelons qu’une politique de prévention des RPS ne peut pas exclusivement reposer sur une prévention secondaire, en formant les salariés ; elle doit permettre de prévenir plus en amont, en réduisant les sources de stress et conflits.
Investir dans une prévention primaire
François Mourgues, directeur du Centre Hospitalier d’Alès témoigne de son choix d’investir dans la prévention des RPS :
« Nous avons voulu offrir à notre personnel un véritable espace d’analyse et de débats autour de leur travail quotidien et des douleurs et souffrances qu’il pouvait occasionner. Cette volonté de dialogue s’est concrétisée par le recrutement d’un psychologue du travail à temps plein, de permanences médecine du travail élargies, et d’un travail approfondi autour de l’ergonomie avec des référents ergonomes spécialement formés et affectés à chaque pôle hospitalier. Cette démarche a été initiée en juin 2011 et porte aujourd’hui ses fruits puisque l’absentéisme a été réduit d’une journée, ce qui nous permet de rentabiliser largement les recrutements effectués. »
Le système américain de soin créé un lien très étroit entre l’état de santé des travailleurs et les primes d’assurance santé que paient les employeurs : certains employeurs ont ainsi réalisé des efforts importants pour améliorer les conditions de travail afin de réduire le montant de leur prime assurance.
Ces chiffres présentés concernent l’entreprise mais il ne faudrait pas oublier non plus le coût supporté par la société en général : répercussion sur les cotisations des régimes d’assurance maladie, d’assurance chômage, diminution du PIB, augmentation des coûts de santé (maladies cardiaques, dépression,…)
Merci à Christine Perry pour ses données sur le coût des conflits.
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