L’alcool en milieu de travail : un problème qui touche tous les secteurs, toutes les catégories professionnelles et qui peut avoir de graves conséquences. Cette période de fête peut être l’occasion de faire un point sur le sujet.
Selon le baromètre santé 2010 de l’Inpes, 16% des actifs occupés déclarent consommer de l’alcool sur le lieu de travail, en dehors des repas et des pots entre collègues. Vous êtes surpris par ces chiffres ? Alors, c’est que l’omerta sur le sujet est efficace !
On touche ici le premier obstacle à une démarche de prévention : sortir du tabou ; le second obstacle (lié en partie au premier) c’est qu’on n’ose pas faire ou qu’on ne sait pas comment faire. Le troisième obstacle est d’ordre motivationnel : on ne fait pas parce qu’on ne voit pas l’intérêt dans la mesure où l’on minimise les conséquences de ce problème (ce qui semble être le point commun à tous les risques psychosociaux).
Consommation : abuseur ou dépendant ?
Comme dans toute démarche de prévention, il convient d’avoir un vocabulaire commun et de définir les termes. Consommer de l’alcool ne signifie pas systématiquement être dépendant. Il faut donc distinguer les abuseurs (consommation répétée entrainant des conséquences sur le court terme) et les dépendants. Une dépendance (ou addiction) va être définie par :
– un état de besoin impérieux de faire une activité, ou de consommer une substance (difficulté à contrôler le besoin)
– la nécessité d’en augmenter la fréquence ou la dose afin d’en maintenir l’effet et d’éviter l’état de manque (malaise, angoisse).
On considère qu’environ 10% des consommateurs deviennent dépendants. Je vous laisse donc faire le calcul sur une base de 5 millions de consommateurs assidus d’alcool.
Lien entre consommation d’alcool et travail
Si le démarrage de la consommation tient souvent compte de facteurs non liés au travail (deuil, rupture, maltraitance, maladie grave, habitudes de consommation de la famille, précarité,….), des facteurs professionnels vont aggraver le problème :
– Consommation en lien direct avec le travail : pots entre collègues, repas d’affaires (la non-consommation d’alcool est parfois jugée comme excluante)
– Consommation pour compenser certaines conditions de travail : travail en plein air, postures pénibles, port de charges lourdes, déplacements longs ou fatigants,…
– Consommation comme stratégie de gestion du stress ; insistons sur le fait qu’il s’agit alors d’une stratégie dite dysfonctionnelle dans la mesure où, si l’alcool a un effet positif immédiat de par son côté désinhibiteur, les conséquences négatives à moyen et long termes seront négatives.
Ainsi, toujours selon le baromètre de l’inpes, environ 10% des salariés déclarent avoir augmenté leur consommation du fait de problèmes liés à leur travail ou à leur situation professionnelle.
Preuve en est que les conditions de travail peuvent influencer la consommation : la consommation est plus fréquente dans certains secteurs comme l’agriculture (30,7 %) ou la construction (32,7 %).
Conséquences de la consommation d’alcool
– Conséquences pour le salarié
L’effet désinhibiteur de l’alcool va entrainer une prise de risque et rendre le sujet familier voire violent. L’alcool va également modifier les capacités de raisonnement et le champ de vision.
- Accidents du travail : environ 20% sont liés directement liés à l’alcool
- Accidents de trajet : le risque d’être responsable d’un accident routier mortel est multiplié par 8,5 en cas de consommation d’alcool
- La dépendance va impliquer un désinvestissement des activités familiales, sociales, impliquant alors une diminution du soutien social, qui, rappelons-le, est un facteur fort de résistance au stress
- Des problèmes de santé : L’alcool est responsable de 25% des maladies et de 30 à 40 000 décès par an (cancers des voies aéro-digestives supérieurs, cancer du foie, cirrhose,…)
- Un désinvestissement professionnel qui pourra aller jusqu’aux sanctions, voire au licenciement.
– Conséquences pour les collègues
- Problèmes relationnels entre collègues (…induisant une réduction du soutien social)
- Risque pour la sécurité des collègues (accidents du travail, transport de collègues avec un conducteur ayant consommé de l’alcool).
– Conséquences pour l’entreprise
Rien qu’en raison de l’alcool, 13 000 journées sont perdues chaque année ; A cet absentéisme, il faut ajouter des coûts liés à la diminution de la performance, aux prises de décisions erronées, au conflit entre collègues, au remplacement du salarié en cas de licenciement.
– Conséquences pour la société avec un coût élevé de prise en charge des maladies.
La démarche de prévention
La démarche de prévention peut être encadrée par un comité de pilotage (pluridisciplinaire, formé aux pratiques addictives et accompagné par une ressource externe). Après avoir dressé un constat de la situation dans l’entreprise, les actions de prévention peuvent consister à :
– Appliquer la réglementation en vigueur : Règlement intérieur, code du travail (obligations de l’employeur et du travailleur), code pénal et de la santé, code de la route
– Appliquer le retrait du poste en cas de salarié dans l’incapacité d’assurer son travail en toute sécurité ou en cas de danger pour son entourage en suivant les recommandations de l’Inrs
- Suite à l’alerte de l’employeur ou d’un collègue, retrait de la personne de toute activité dangereuse
- Demande d’avis médical : un trouble de vigilance peut être dû à autre chose qu’à une consommation de substance psychoactive
- Respect de la vie privée et absence de jugement de valeur sur son comportement.
– Informer les salariés sur les risques pour la santé et la sécurité
– Modifier la culture dans l’entreprise en luttant contre les attitudes d’évitement : le rôle de chacun est d’alerter quand une personne est en danger. Un travail doit être fait en amont pour différencier alerte et délation et pour rassurer sur le fait que cette alerte n’entrainera pas de sanction.
– Repérer les salariés supposés dépendants : définir les indicateurs d’alerte (comportement plus agressif, absentéisme répété de courte durée, retards fréquents, diminution qualitative et quantitative du travail,..)
– Limiter la consommation d’alcool sur le lieu de travail (l’interdiction des boissons alcoolisées sur le lieu de travail peut être totale ou partielle)
– Améliorer les conditions de travail et diminuer le stress
– Equiper les véhicules d’entreprise d’éthylotests antidémarrage (EAD)
A ces différents stades, il est évident que les services de santé au travail, les services sociaux, les IRP et l’encadrement sont impliqués.
Il ne faut pas oublier que l’inscription dans le document unique est obligatoire (au même titre que les facteurs de stress et de violence)
L’employeur peut-il pratiquer un alcootest ?
Le contrôle n’est possible que s’il est prévu au règlement intérieur, que sa contestation soit possible et définie, qu’il soit justifié par la nature de la tâche à accomplir et que l’état d’ébriété présente un danger pour les personnes et les biens (cours de cassation, 2004). Entrent dans cette catégorie, à ce jour : les conducteurs de véhicule automobile, de poids lourds, de bus ; les ouvriers caristes, chauffeurs-livreurs ; les postes nécessitant la manipulation de machines dangereuses, le port d’arme ; les déménageurs, les agents techniques de chauffage.
Je vous conseille la lecture de la brochure Inrs ED6147 dont je me suis largement inspirée pour cet article.
Ce blog se voulant interactif, n’hésitez pas à laisser un commentaire ou un témoignage si votre entreprise est engagée dans une telle démarche.