Selon l’ANI, le télétravail est une « forme d’organisation(…) dans laquelle un travail, qui aurait pu être réalisé dans les locaux de l’employeur, est effectué hors de ces locaux de façon régulière ». Ce « hors locaux » peut être le domicile ou des télécentres (centres d’affaires, espaces de « co-working »,…).
Deux tiers des salariés feraient déjà du télétravail mais majoritairement hors cadre réglementaire, il est donc intéressant de se pencher sur une « officialisation » de ce mode d’organisation.
Les avantages et les freins
Un avantage semble évident : celui de pouvoir concilier plus aisément vie professionnelle et vie personnelle (au moins pour une partie du temps). Pourtant quand on interroge les personnes expérimentant le télétravail, ce n’est pas cet avantage là qu’ils citent spontanément, mais celui d’une meilleure qualité de travail due à moins d’interruptions et donc à plus de concentration. Notons également une réduction du temps, de la fatigue et des coûts liés aux trajets domicile-travail.
L’entreprise s’avère gagnante également avec moins d’absentéisme et un gain de productivité grâce à des salariés moins stressés et moins fatigués….et si on veut raisonner en termes de RSE c’est également une réduction de l’empreinte carbone.
Concernant les freins, ils sont essentiellement culturels puisqu’il faut faire face à la culture du présentéisme mais aussi à l’image que l’on peut avoir du télétravail… tentez une petite expérience : tapez « télétravail » sur « image google » et vous tomberez sur ce type d’images…..
Les risques du télétravail
Ce sont essentiellement des risques psychosociaux qu’il y a à craindre, dus principalement à :
– Un isolement géographique induisant une réduction du soutien social
– Des conflits avec les collègues qui peuvent avoir l’impression que le télétravailleur est privilégié et que ses collègues doivent assumer une partie de son travail (ex : appels téléphoniques non transférés)
– L’atteinte d’objectifs ; objectifs élevés ou barre que l’on met soi-même trop haute afin de démontrer la viabilité du dispositif
– Une fatigue due à des horaires décalés
Ces différents facteurs peuvent induire stress, voire épuisement professionnel. Un questionnaire de qualité de vie au travail peut être prévu régulièrement pour les salariés (par le service des ressources humaines ou par le service de santé au travail) afin de suivre le niveau de stress dans l’entreprise.
Comment mettre le télétravail en place au niveau de l’entreprise ?
Le réseau Aract-Anact a piloté une expérimentation dans une dizaine de régions afin de dégager les principes de mise en œuvre.
L’idéal est d’expérimenter la formule sur une durée de 6 à 12 mois, formule qui répondra à plusieurs obligations légales : avenant au contrat de travail, volontariat, réversibilité pour l’employeur et le télétravailleur, prise en charge des coûts,….
Le télétravail ne doit pas avoir d’impact sur le contenu des missions : elles doivent être les mêmes pour un télétravailleur et un salarié/agent sur site. Enfin, l’accord spécifique sur le télétravail devrait être renégocié régulièrement (tous les 3 ans).
Les conditions de réussite
– Condition n°1 : une volonté institutionnelle,
– Avoir l’adhésion et le soutien du management : la relation manager/télétravailleur est placée au cœur du dispositif. Il faudra donc éventuellement prévoir d’accompagner le manager pour l’aider à revisiter ses pratiques managériales. Pour exemple, des rendez-vous réguliers avec un entretien face-face mensuel sont recommandés,
– Etre dans la confiance : être dans la confiance veut dire que l’accord de télétravail sera accordé également le mercredi et pour des mamans (et papas) d’enfants en bas âge : il faut partir du principe que le salarié s’organisera. Mais être dans la confiance ne veut pas dire une absence de contrôle ; ce contrôle est au contraire indispensable à la pérennité de cette organisation de travail qui, rappelons-le, prévoit une réversibilité dans les deux sens,
– Etre autonome sur son poste. En cas de changement de poste, le contrat devrait être arrêté et repris dès atteinte d’un niveau d’autonomie dans le nouveau poste,
– Plus de rigueur dans la communication, plus d’anticipation, plus de convivialité lors des moments de rencontre,
– Limiter le télétravail à 1 ou 2 jours par semaine : plus serait prendre le risque d’isoler le salarié ou l’agent de son équipe,
– Obtenir un équipement/une technologie adaptés… par expérience, moi qui vit dans un petit village des Hautes Côtes de Beaune, je vous garantis que la fracture numérique n’est pas qu’un concept !
Quelques conseils pour le télétravailleur
Si le démarrage de l’activité chez soi peut s’avérer difficile (…tentant de démarrer tard quand on n’a pas d’enfant à emmener à l’école), s’arrêter de travailler s’avérera tout aussi difficile…pour cela quelques astuces :
– Aménager un espace « travail » chez soi (pour certaines entreprises, une pièce dédiée est d’ailleurs une condition sine qua non à l’obtention du télétravail)
– S’astreindre aux mêmes règles que le salarié sur site : se fixer un horaire précis (de début et de fin), s’habiller « comme si » on allait travailler.
Le témoignage d’une expérience concluante au sein du Conseil Général de Côte d’or
Madame Josette Thévenin, directeur adjoint aux ressources humaines du CG21, était présente pour témoigner ce 19 Juin 2014 lors de l’atelier « qualité de vie au travail » organisé par l’ARACT.
En février 2011 démarrait, sur la base du volontariat, une expérimentation sur le télétravail, évaluée sur une durée de 18 mois par les supérieurs hiérarchiques, l’agent télétravailleur et les collègues.
De 11 agents télétravailleurs concernés au départ, ce sont maintenant 92 agents (de toute catégorie et toute fonction) qui pratiquent le télétravail dans les conditions suivantes :
– Un maximum de 2 jours par semaine fixes ou 1 à 6 jours par mois
– Une plage de 4 heures par jour où l’agent doit être joignable
– Un contrat tripartite entre le directeur de service, l’agent et son supérieur hiérarchique direct.
Les points positifs évoqués de la part de ces agents : la tranquillité, la sérénité, la possibilité d’aller chercher ses enfants à l’école.
La principale difficulté évoquée est celle de parvenir à réaliser une coupure entre la vie professionnelle et la vie personnelle, « ne pas se sentir capable d’arrêter le travail ».
Côté organisation, selon Madame Thévenin, la réussite de ce mode d’organisation tient à « un savant dosage entre confiance, respect mutuel et courage »… courage de contrôler et de revenir à un travail sur site si besoin : « nous passons d’une obligation de moyens à une obligation de résultats ». Par ailleurs, l’organisation doit être telle qu’il n’y ait pas de répercussion sur les autres collègues « le collectif n’est pas à la disposition du télétravail » (d’où la plage de 4 heures où l’agent doit être joignable).