Mardi 3 septembre 2013…. en ce jour de rentrée, il y a de grandes chances qu’un sentiment s’active pour certains d’entre nous: celui de ne pas être suffisamment « à sa place » : à sa place de parent car nous aurons raté la rentrée de nos bambins (grands ou petits) ou à sa place de professionnel(le) car nous serons arrivé(e) plus tard et/ou parti(e) plus tôt que d’habitude et que la concentration n’aura peut-être pas été optimale….
Pas grave pour un seul jour dans l’année me direz-vous… sauf que ce sentiment semble chronique.
Conflits entre vie personnelle et vie professionnelle
On considère le plus souvent la notion d’interaction travail-famille sous l’angle du conflit de rôle (conflit au niveau du temps, des efforts, des comportements) avec pour conséquence le sentiment d’être surpassé(e), surchargé(e) et stressé(e).
Cette interaction est bidirectionnelle :
– interférence du travail dans la famille : des préoccupations liées au travail qui ne permettent pas de participer pleinement à la vie familiale, les retombées du stress au travail sur le foyer qui augmentent les conflits avec les membres de la famille,…
– interférence de la famille dans le travail : absence en raison de la maladie d’un enfant ou conflits familiaux nuisant à la concentration au travail.
Dans les sessions de gestion du stress que j’anime, je croise beaucoup de femmes qui ont ainsi l’impression de s’épuiser à essayer de concilier les deux domaines : laisser leur enfant plus tard que prévu à la garderie pour assister à une réunion puis culpabiliser, arrêter leurs activités plaisantes (sport,…) car elles rentrent déjà tard à la maison, etc. Ce sont ces sentiments de culpabilité, ces arrêts d’activité plaisante qui vont précisément les faire entrer dans le fameux cercle vicieux du stress.
Je vais peut-être vous paraître sexiste car je ne parle que de femmes…. je ne veux pas dire ici que ce sentiment de culpabilité est exclusivement féminin, toutefois je l’observe moins chez les hommes (moins présent ou moins exprimé ?). Concernant les hommes, l’interaction entre les deux domaines pourra se voir plus souvent sous forme de stress dû au travail importé à la maison.
D’où vient cette difficulté à concilier vie professionnelle et vie personnelle ?
S’il existe une frontière entre vie personnelle et vie professionnelle, cette frontière est de plus en plus poreuse et le péritravail (cette zone « grise » entre les deux domaines) se développe ; L’apparition des Smartphones et ordinateurs est une des raisons qui ont permis une plus grande intrusion du travail dans la vie personnelle : 50% des cadres travaillent sur leur ordinateur ou leur Smartphone dans le créneau horaire 20h- 24h et, à l’inverse, un salarié connecté passe environ 1 heure par journée de travail à régler des problèmes personnels.
D’autres modifications ont rendu les conditions de conciliation plus difficiles, telle une distance entre le domicile et le lieu de travail qui a doublé en quelques années (plus de temps de trajet, plus de stress dû aux problèmes de déplacement).
Par ailleurs, le travail des femmes n’est peut-être pas encore « inscrit » dans nos comportements : le travail des femmes remonte, au mieux, à 150 ans face aux 6 millions d’années où la femme est restée au foyer… Ceci peut expliquer en partie les inégalités qui persistent que ce soit au travail (différences en termes de salaire, d’accès aux postes à haute responsabilité, de contrats précaires) qu’à la maison (les femmes passent encore en moyenne 3 fois plus de temps que les hommes à s’occuper des tâches domestiques).
Si le fameux « plafond de verre » est une réalité incontestable, il n’est pas dû uniquement à l’environnement ; Muriel Pénicaud, DRH chez Danone note que « le plafond de verre existe aussi dans la tête : doute de soi, excès de perfectionnisme », auquel il faut ajouter un sentiment d’imposture très fréquent.
La femme va donc culpabiliser plus mais également avoir le sentiment qu’il faut « en faire plus » qu’un homme.
Conflits mais également enrichissement
Des études récentes ont commencé à envisager l’interaction travail-famille non plus sous l’angle exclusif du conflit mais également sous la perspective de l’enrichissement. On va ainsi observer un transfert de ressources et/ou d’expériences d’une sphère à l’autre. Pour exemples : un dirigeant qui a des enfants se montre plus patient envers son équipe au travail (Kirchmeyer, 1992) et une femme qui travaille va avoir des ressources supplémentaires en termes de gestion du budget, d’organisation pour son foyer.
L’implication dans le rôle familial prédit l’enrichissement de la famille vers le travail et réciproquement. Les deux domaines n’entrent donc pas en compétition mais deviennent bien des alliés quand une personne s’implique dans chacun de ses rôles.
Cet enrichissement sera d’autant plus important que l’estime de soi est élevée et qu’il existe un soutien de la famille, des collègues, du supérieur hiérarchique.
En quoi consistent les initiatives de conciliation travail-vie?
Conscientes des difficultés de conciliation (générant du stress, de la perte d’énergie donc de la perte de performance….), les entreprises ont commencé à développer des actions afin de trouver un meilleur équilibre entre les exigences du travail et le mieux-être en dehors du travail.
Sur le lieu de travail, ces initiatives de conciliation peuvent être :
– Une flexibilité au niveau des horaires (une modulation de plus ou moins 30 minutes pour les horaires d’arrivée et de départ)
– Des services de conciergerie (révision de voiture, linge à repasser, …),
– Des services à l’enfance sur place.
Des formations à l’harmonisation travail-vie personnelle (HTVP) peuvent également être proposées pour apprendre à faire des demandes (afin de trouver le soutien nécessaire), réfléchir à ses priorités, gérer son stress, ses émotions, son temps,…. Une revue récente de la littérature montre que ce type de formation HTVP aura des répercussions positives dans la vie professionnelle et la vie personnelle. En améliorant leur équilibre travail-vie personnelle, les participants gagnent en confiance et deviennent capables de gérer efficacement leurs difficultés tant au travail qu’à la maison (I.Letourneau, PTO, 2012).
Restent à définir toutefois les modalités optimales en termes de forme et durée de la formation : coaching individuel, de groupe ? Programme multimédia ? Ateliers de discussion ? Formation en groupe ?
Il ne faut pas négliger non plus, dans ce type de programme, les formations à destination des managers qui pourraient contribuer au développement d’une culture organisationnelle plus favorable.
Les programmes HTVP étant développés au Canada et dans les pays nordiques, le recul permet d’observer de nombreux avantages pour les participants (diminution du stress, augmentation de la confiance en soi) mais également pour l’employeur (diminution de l’absentéisme, augmentation de l’attractivité et de l’image de l’entreprise, amélioration du climat général et de la coopération, amélioration de la performance, amélioration du degré de satisfaction).
Je vous souhaite à tous une rentrée sereine,