Nous vous proposons un point sur le harcèlement sexuel, à un an de l’affaire Weinstein et à l’occasion de la promulgation de la loi avenir professionnel du 5 septembre 2018, imposant à partir du 1r janvier 2019 la nomination d’un référent dans le but de favoriser la lutte contre le harcèlement sexuel et les agissements sexistes.
En quoi consiste le harcèlement sexuel ?
Le harcèlement sexuel peut être de deux types :
- le fait d’imposer à une personne, de façon répétée, des propos ou comportements à connotation sexuelle qui portent atteinte à sa dignité en raison de leur caractère dégradant ou humiliant, ou créent une situation intimidante, hostile ou offensante ;
- le fait, même non répété, d’user de pression grave dans le but réel ou apparent d’obtenir un acte de nature sexuelle.
Notons que le harcèlement sexuel est un délit réprimé à la fois par le code du travail et par le code pénal.
Bien qu’il soit parfois difficile de distinguer harcèlement sexuel et simple tentative de séduction mal appréciée et non découragée, et bien que la qualification de connotation sexuelle dépende des normes sociales, et que certaines pratiques sont jugées simplement familières dans tel pays ou entreprise (mettre la main sur l’épaule, faire des plaisanteries à caractère sexuel…), pour autant certains comportements ne seront pas contestables :
- Le fait d’user de son pouvoir hiérarchique pour contraindre à des faveurs sexuelles, avec des menaces sur l’emploi (une seule fois suffit)
- Avoir des gestes à caractère sexuel ou contacts corporels répétés et sans consentement
- Faire des remarques sur l’apparence physique (corps, coiffure, tenue vestimentaire, maquillage…), sans lien avec les nécessités professionnelles
- Tenir des propos concernant la vie ou les pratiques sexuelles,
- Présenter des textes, photos, vidéos pornographiques, malgré les marques de désintérêt,
- Offrir de nombreux cadeaux gênants (parfums, fleurs, bijoux, sous-vêtements…), malgré les refus successifs.
Les chiffres
On est face à des chiffres affolants puisque près d’une femme sur 5 déclare avoir été victime de harcèlement sexuel au travail. Même si les faits sont plus rares, il n’est toutefois pas exceptionnel qu’un homme soit victime de harcèlement sexuel.
Les gestes, propos et blagues à connotation sexuelle sont, avec le chantage sexuel et l’envoi de message à caractère pornographique, les manifestations les plus rapportées.
Si, il y a 20 ans, l’employeur lui-même était cité par la majorité des victimes comme étant à l’origine du harcèlement, le harcèlement est désormais dans 40% des cas commis par un collègue .
Conséquences
Le fait de vivre ces situations de harcèlement sexuel affecte gravement la santé de la victime.
On peut noter des conséquences physiques (troubles du sommeil, douleurs, pour ne citer que celles-ci), des conséquences psychologiques avec des troubles anxieux et/ou dépressifs mais également des troubles du comportement pour tenter de compenser le stress induit par cette situation, avec un risque de développer une dépendance (médicament, alcool, ou autre). Ne perdons pas de vue qu’en cas de trouble dépressif, le risque suicidaire est toujours présent.
Les conséquences de ces expériences humiliantes sont souvent profondes car les victimes sont atteintes dans leur amour propre, perdent l’estime de soi et leur confiance envers autrui.
Quand le harcèlement sexuel se heurte à un refus, il peut aussi se transformer en harcèlement moral : moqueries, humiliations, exigences de travail impossibles à satisfaire, isolement… et c’est alors une double peine.
Comment agir ?
Il faut savoir que 30% des victimes n’en parlent à personne et que seuls 30% des cas sont rapportés à la direction ou à l’employeur.
Le fait de ne pas oser parler de ces situations de harcèlement s’explique à la fois par la honte ressentie mais aussi par la peur des répercussions négatives sur son emploi (non renouvellement de contrat, blocage dans la carrière), ce qui malheureusement peut encore être une réalité.
Pourtant Il est essentiel de sortir de son silence, même si cela est extrêmement compliqué car, d’une part, la santé est en jeu et, d’autre part, le harceleur peut renforcer sa position de pouvoir face à ce silence.
Le premier réflexe à avoir est de tenir un journal, en notant tous les incidents avec précision (auteur, date, heure, lieu, type d’agression, propos, gestes, témoins éventuel-le-s).
Pour sortir de son silence, plusieurs possibilités existent :
- en s’adressant directement (par oral, par mail ou par lettre recommandée) au harceleur présumé, avec éventuellement le soutien d’un collègue ou d’un représentant du personnel ou un délégué syndical, en l’informant que son comportement est non désiré et qu’il doit cesser.
- en se confiant à des collègues de confiance ; en parler autour de soi, en plus du fait d’obtenir du soutien, peut permettre de constater qu’il ne s’agit pas d’un cas isolé.
- en s’adressant, avec les mêmes soutiens, au supérieur hiérarchique du harceleur, à la Direction des Ressources Humaines ou au Médecin du Travail. Rappelons que l’employeur a l’obligation d’assurer la santé et la sécurité physique et mentale de ses salariés et, qu’à ce titre, et il est tenu de mener une enquête, d’informer le harceleur présumé de cette plainte, de l’enjoindre à modifier son comportement et de mettre en place les actions nécessaires pour que cesse cette situation.
Si, malgré votre démarche auprès de l’entreprise, la situation ne change pas, il vous faudra peut-être envisager de quitter l’entreprise afin de préserver votre santé, en négociant une rupture. Deux conseils dans ce cas : pas de précipitation et faites-vous accompagner pour évaluer le pour et le contre de votre décision.
Par ailleurs, Le harcèlement sexuel relevant également du code pénal, il est possible de déposer une plainte et déclencher des poursuites pénales. Le fait de harceler autrui est puni de deux ans d’emprisonnement et de 30.000 euros d’amende Dans les faits, seuls 5% des victimes portent plainte, ceci étant souvent lié à la difficulté de prouver les faits. Apporter des preuves est doublement important car cela peut éviter une plainte en diffamation.
Comment agir en tant qu’employeur ?
Rappelons qu’il est de votre devoir et de vos obligations, en tant qu’employeur, de protéger la santé et la sécurité de vos salariés.
Des mesures réglementaires
En tant qu’employeur vous devez :
- afficher ou informer par tout moyen vos salariés du texte de l’article 222-33 du code pénal qui définit le harcèlement et les sanctions envers l’auteur,
- faire figurer dans le règlement intérieur les dispositions relatives au harcèlement sexuel dans les entreprises et les établissements de 20 salariés et plus,
- veiller à ce que tout harcèlement dont vous avez connaissance cesse immédiatement en prenant des mesures adéquates à l’égard du harceleur. Si l’un de vos collaborateurs a dénoncé des faits de harcèlement sexuel (qu’il a subi en tant que victime ou dont il a été témoin), vous devez mener une enquête interne afin de vous assurer que les dires du salarié sont avérés. Si les faits dénoncés sont réels, vous devez sanctionner l’auteur du harcèlement sexuel. Précisons que, dans le cas contraire, vous risquez de voir votre responsabilité engagé
Des mesures d’information et de sensibilisation
Des mesures d’information, à destination de l’ensemble de l’encadrement et des salariés, sont essentielles afin de préciser ce qui relève du harcèlement sexuel, détailler les comportements, gestes et propos inacceptables, signifier les sanctions potentielles et indiquer les procédures de plainte.
Des mesures organisationnelles :
Parfois des mesures devront être prises (modifications dans l’aménagement des bureaux, dans les équipes de travail, dans les déplacements, dans les horaires…) de façon à minimiser les occasions de harcèlement sexuel si un comportement est connu ou pressenti.
Ce qui change avec la loi du 5 septembre 2018 :
Nomination d’un référent
La Loi pour la liberté de choisir son avenir professionnel du 5 septembre 2018, prévoit la nomination, au plus tard au 1r janvier 2019, d’un référent chargé d’informer, d’accompagner et d’orienter les salariés victimes de harcèlement sexuel et d’agissements sexistes. L’objectif affiché par cette mesure est de permettre aux salariés victimes d’agissements de cette nature, d’identifier un interlocuteur précis auquel s’adresser pour dénoncer les faits. Il incombera au référent d’enclencher les procédures destinées à mettre fin aux agissements dénoncés ou d’alerter les personnes en charge. Précisons que les dossiers constitués par ce référent pourraient, en cas de litige, être utilisés à titre de preuve.
Ce référent sera nommé au sein des entreprises d’au moins 250 salariés et des CSE (Comité Social et Economique). Il sera nommé pendant toute la durée du mandat et aura droit à la formation nécessaire à l’exercice de ses missions, financée par l’employeur sous certaines conditions. Par ailleurs, le CSE peut susciter toute initiative qu’il estime utile en santé-sécurité et travail et proposer notamment des actions de prévention du harcèlement moral, du harcèlement sexuel et des agissements sexistes.
La lutte contre le harcèlement sexuel et les agissements sexistes figure désormais parmi les questions spécifiques aux entreprises de moins de 11 salariés concernant lesquelles les CPRI peuvent apporter des informations, débattre et rendre un avis.
Renforcement des mesures d’affichage
L’employeur doit afficher, dans les lieux de travail et dans les locaux où se fait l’embauche, les voies de recours civiles et pénales ouvertes en matière de harcèlement sexuel et les coordonnées des autorités et des services compétents. Un décret (à paraître) doit lister les autorités et services compétents dont les coordonnées doivent être affichées.
Annexe : |
– Article L1153-1 : Les agissements de harcèlement de toute personne dans le but d’obtenir des faveurs de nature sexuelle à son profit ou au profit d’un tiers sont interdits.- Article L1153-2 : Aucun salarié, aucun candidat à un recrutement, à un stage ou à une période de formation en entreprise ne peut être sanctionné, licencié ou faire l’objet d’une mesure discriminatoire, directe ou indirecte, notamment en matière de rémunération, de formation, de reclassement, d’affectation, de qualification, de classification, de promotion professionnelle, de mutation ou de renouvellement de contrat pour avoir subi ou refusé de subir des agissements de harcèlement sexuel.
– Article L1153-3 : Aucun salarié ne peut être sanctionné, licencié ou faire l’objet d’une mesure discriminatoire pour avoir témoigné des agissements de harcèlement sexuel ou pour les avoir relatés. – Article L1153-4 : Toute disposition ou tout acte contraire aux dispositions des articles L. 1153-1 à L. 1153-3 est nul. – Article L1153-5 : L’employeur prend toutes dispositions nécessaires en vue de prévenir les agissements de harcèlement sexuel. – Article L1153-6 : Tout salarié ayant procédé à des agissements de harcèlement sexuel est passible d’une sanction disciplinaire. |