Le syndrome du survivant lors des PSE
Le « syndrome du survivant » fut nommé en 1957 par le Docteur W. Niederland, psychiatre qui a travaillé avec des centaines de rescapés de la Shoah.
Cette expression désigne le stress post-traumatique vécu par les rescapés de situations extrêmes tels des catastrophes naturelles ou des accidents graves (écrasement d’un avion, actes terroristes, conflits armés, combats, torture, camps de concentration, génocides,…). Dans les mois et les années qui vont suivre ces événements, les survivants peuvent subir des troubles sans liens avec les séquelles physiques de l’événement : anxiété, souvenirs répétitifs, sommeil agité, difficultés de concentration,évitement de situations rappelant l’événement d’origine. Les plus affectés peuvent devenir toxicomanes, dépressifs, suicidaires.
On considère que « survivants » de licenciements et survivants de situations extrêmes se ressemblent : le cheminement psychologique et des émotions vécues sont en effet comparables. Tous encaissent un choc initial puis développent ensuite, à divers degrés, des problèmes physiques et psychologiques.
Les composantes les plus classiques du « syndrome du survivant » dans les organisations sont :
- Une montée des émotions négatives :
- colère face à ce qui arrive en estimant que le système économique est injuste, que le « choix » des départs n’était pas juste (« Comment peut-on licencier un collègue qui s’est toujours investi dans son travail » ?). Cette colère sera d’autant plus importante, que la confiance en son employeur était forte.
- tristesse face à la perte de ses collègues, d’une bonne ambiance de travail, des habitudes de travail et parfois même de son ancien poste
- peur : « comment vais-je faire pour réussir à réaliser mes missions alors qu’on est moins nombreux ? », « vais-je réussir à m’adapter à mes nouvelles fonctions? » « Est-ce que je ne vais pas bientôt moi aussi perdre mon poste et est-ce que ce n’est pas reculer pour mieux sauter ? »
- gêne et culpabilité : « comment me comporter face à mes anciens collègues quand je les croise ? »
- méfiance vis-à-vis de la direction, ce qui peut conduire à des difficultés pour s’investir dans la nouvelle organisation.
- Une modification de l’attitude personnelle touchant la satisfaction au travail, l’identification à l’entreprise, la confiance dans le management
- Une diminution de la propension à prendre des risques, de la spontanéité et de l’engagement dans le travail.
- Un changement de comportement ayant une influence sur la motivation, la volonté d’innover, le turn-over, la productivité.
Il est à noter que ces trois derniers points peuvent amener à une diminution de l’estime de soi. Par ailleurs (double punition), les survivants doivent souvent travailler encore plus, sous une pression plus forte et avec moins de ressources pour faire avancer l’entreprise.
Afin de restaurer la confiance et l’engagement des collaborateurs restants, les entreprises peuvent agir tout au long du processus de changement selon les différents axes suivants:
- Appliquer un plan de licenciement loyal (en contrepartie, en se basant exclusivement sur des critères sociaux, certains services vont se trouver « décimer » et certains salariés ainsi se retrouver face à une charge de travail et des responsabilités qu’ils vont juger « écrasantes »).
- Faire de la communication une priorité absolue : communication sur ce qui est mis en place pour accompagner les départs, communication sur les décisions et réorganisations,
- Inciter ceux qui conservent leur poste à exprimer leurs sentiments, que ce soit en mettant en place une permanence psychologique ou des groupes d’échanges.
- Présenter une vision pour l’avenir (… ce qui semble de plus en plus difficile)
- Investir dans les employés qui restent dans l’entreprise, en créant par exemple des groupes de travail participatifs (« comment se réorganiser » ?
- De meilleures perspectives d’ascension professionnelle et de formation continue contribuent à une plus grande satisfaction, ce qui a des répercussions positives sur la motivation des «survivants». Il s’agira d’amener le survivant à reformuler consciemment un nouveau contrat psychologique avec l’entreprise du type : « Même si je fais bien mon travail et que je me fonds dans le moule de l’entreprise, je peux perdre mon poste; ce qui est important pour moi, c’est de développer mes compétences, que ce soient des savoirs, des savoir-faire ou des savoir-être».
A titre individuel, si vous êtes concerné(e) par cette situation, n’hésitez pas à consulter votre médecin généraliste, un psychiatre ou un psychologue si vous dormez mal, que vous vous sentez triste ou angoissé(e) une bonne partie de la journée, que vous « ruminez ». Il est essentiel de pouvoir parler de ce que l’on ressent, de ce qu’on pense et de ne pas « s’enfoncer » dans une dépression ou des troubles anxieux sans consulter un professionnel.
Article très juste, éclairant, concret et pédagogique qui permet de mieux comprendre les choses. Merci
Permalien